PostHeaderIcon Arvo Pärt et le Canon de Repentance

"La voix humaine est le plus parfait des instruments." - Arvo Pärt

Les oeuvres d'Arvo Pärt ont accompagné plusieurs saisons du Madrigal de Lille. Le point fort fut l'interprétation par le Goeyvaerts Consort (aujourd'hui Aquarius) de l'intégrale des Kanon Pokkajanen, à l'invitation du Madrigal [Concert le 15 mars 2002 - Couvent des Dominicains à Lille]. Le Madrigal lui-même a eu l'occasion d'interpréter "The Woman with the alabstaer box", "Magnificat", "Da pacem Domine" et, avec l'ensemble vocal Quartz, le final du Kanon Pokkajanen.

Arvo Pärt

Arvo Paertest né en 1935 à Paide en Estonie, il a étudié la composition au conservatoire de Tallinn avec Heino Eller. De 1958 à 1967, il travaille comme ingénieur du son et compositeur de musiques de films à la radio/télévision estonienne. Il émigre à Vienne en 1980, puis en 1982 Berlin-Ouest, où il vit en tant que compositeur indépendant.

Après une période sérielle qui va jusqu'en 1968, avec son Credo, et une période transitoire (Troisième symphonie), il ouvre en 1976 une période de compositions d'un style minimaliste, qu'il appelle "tintinnabulation" (du latin tintinnabulum : clochette) :
"J'ai compris qu'une simple note, bien jouée, me suffisait. Cette note seule, un tempo muet, ou un moment de silence, me rassure. Je travaille avec très peu d'éléments, avec une voix, deux voix. J'utilise des matériaux primitifs ; un seul accord, une seule tonalité spécifique. Les trois notes de cet accord sont comme des clochettes ; c'est pourquoi j'appelle cela tintinnabulation".

Ces musiques reprennent des structures fondamentales de la musique tonale, les triades mineures, en particulier, en leur donnant un rôle nouveau où la simplicité et la clarté dominent. Ceci implique le rejet des dramatisations diatoniques, du discours, l'abandon des artifices usuels du développement dynamique. Au développement classique, nœud du drame, se substituent des séquences d'épisodes peu différenciés, par couches, en cercles ou en spirales mais jamais en vecteurs contraignants, tendus vers un but. C'est une musique de l'éternel recommencement dans l'indifférence du temps et la complicité du silence. Cette simplicité du minimum, cette sérénité lumineuse exaltant le silence intérieur, paraissent chargés d'une dimension mystique, révélatrice d'une vérité hors du temps. (Frans C. Lemaire)

Les Canons de Repentance

sont des textes liturgiques de l' Eglise orthodoxe.

Arvo Pärt reprend les neufs chants ou odes du texte liturgique : Ode I / Ode III / Ode IV / Ode V / Ode VI / Kondakion / Ikos / Ode VII / Ode VIII / Ode IX / Prière après le Canon

Kanon Pokajanen a été composé en 1997-98 et créé en la Cathédrale de Cologne, lors des festivités du 750° anniversaire.

Icone

Canon (n.m.) : (du grec " règle, loi ")

Dans son sens liturgique, composition hymnographique typiquement divisée en neuf chants ou odes, lesquelles en leur tour se divisent en un certain nombres de strophes appelées tropaires.

Peut aussi désigner une partie de la Liturgie, notamment, comme dans la Messe romaine, la prière eucharistique. En ecclésiologie, règle ou décision de l'Église, par exemple des conciles œcuméniques. Il existe aussi des canons concernant les icônes, leur vénération et leur peinture

Source : Lexique orthodoxe

Reflet de l'éternité

Notes à propos des compositions d'Arvo Pärt

Arvo Paert

" Si l'homme, de temps en temps, ne fermait pas les yeux volontairement, il ne verrait pour finir plus rien de ce qu'il vaut la peine de voir ". On pourrait dire, en paraphrasant cette phrase de René Char dans " Hypnos ", que l'homme - et surtout le compositeur - doit de temps en temps volontairement fermer les oreilles, pour entendre encore ce qui vaut la peine d'être entendu.

Arvo Pärt a dû réussir à fermer les oreilles aussi longtemps qu'il le fallait au monde du tumulte, au monde des excès et des explosions pour qu'elle se fasse entendre : la musique de l'anti-monde.

Elle vient de très loin cette musique. Ne l'a-t-on pas entendue déjà dans les cathédrales gothiques, les églises romanes, dans les catacombes romaines ou la fosse aux lions de Daniel ? C'est une musique qui ne convainc pas, n'écrase pas, ne se révolte pas, qui ne s'appuie que sur sa nature différente, reste à l'écart de l'action et de l'actualité toute-puissante ; elle parle de beaucoup de choses perdues - mais plus encore de choses cachées, donc que l'on n'a pas perdues.

Mais comment a-t-elle acquis cette paix lumineuse, quel prix a-t-elle payé pour sa pureté ? Non, elle n'est pas intacte, au contraire, elle naît de la mutilation. Ce n'est qu'à partir de cet arrière-plan douloureux que l'on peut réussir à faire ce pas dans l'au-delà, dans cette lointaine sphère d'avant la chute dans l'inexorable émancipation du sujet, que la culture des temps modernes nous propose comme objectif. " Une œuvre d'art a un créateur, et cependant, quand elle est parfaite, elle a quelque chose d'essentiellement anonyme ; elle imite l'anonymat de l'art divin " (Simone Weil)

" Se tenir à distance, c'est l'âme du Beau ". Celle qui a écrit cela, Simone Weil, savait aussi ceci : " Nous n'avons pas le choix des remèdes, il n'y en a qu'un, un seul remède rend la monotonie supportable, c'est le reflet de l'éternité : la beauté. " Comme pour la française juive, cette sorte de beauté est pour le compositeur estonien un sacrement, car l'homme en a besoin autant que de pain.

Arvo Pärt nous raconte ainsi une rencontre :
" Un jour, en Union Soviétique, j'ai parlé à un moine et je lui ai demandé comment un compositeur pouvait devenir meilleur. Il m'a répondu qu'il n'avait pas de solution. Je lui racontai que j'écrivais aussi des prières, de la musique sur des prières ou des psaumes, et que cela pouvait peut-être aider le compositeur que j'étais. Il me répondit alors : non, tu te trompes. Toutes les prières ont déjà été écrites. Tu n'as plus besoin d'en écrire. Tout cela est prêt déjà. Maintenant, c'est toi qui dois te préparer. - Je crois qu'il y a une vérité dans cela. Nous devons être conscients qu'un jour nos chants s'arrêteront. Pour le grand artiste également, viendra peut-être le temps où il n'aura plus l'envie ou la nécessité de créer une œuvre d'art. Et peut-être alors estimerons-nous d'autant plus sa création ; car il y a eu cet instant, où il a dépassé son œuvre.

Peter Hamm - Traduction © Bruno Parmentier, pour Le Madrigal de Lille.

Source

Arvo Pärt sur le web :

(les liens ouvrent une nouvelle fenêtre)

Site de l'IRCAM (notice)
Wikipedia
http://www.espritsnomades.com/siteclassique/arvopart.html (notice)
http://www.karadar.com/Dictionnaire/part.html (bio., catalogue, photos)
http://musicologie.free.fr/Biographies/part_arvo.html (bio. + catalogue de liens)
http://www.arvopart.info/ (site consacré au compositeur - anglais)
http://www.musicolog.com/part.asp (en anglais très complet - y compris extr. musicaux)
http://saintpaulsunday.publicradio.org/features/9810_part/index.htm (en anglais - article + extraits musicaux)

Kanon Pokajanen sur le web

http://www.musicolog.com/part_kanon.asp (anglais)

Le canon de repentance

http://www.myriobiblos.gr (canons de repentance - trad. anglaise - choisir dans le menu de gauche "Canon of Repentance")