PostHeaderIcon Bela BARTOK (1881-1945)

BartokEn 2003-2004, le Madrigal de Lille met à son programme des choeurs pour voix d'hommes et des choeurs pour voix de femmes de Bela Bartók

 

 

 

  • Cinq chants populaires Slovaques (1917) pour voix d'hommes
  • Huszárnóta (Hussard) / Resteknek Nótája (Chant des flemmards) / Bolyongás (Errance) / Lánycsúfoló (Chanson pour taquiner les filles) pour voix de femmes

Il s'agit de quelques unes des nombreuses oeuvres écrites pour la voix soliste ou le choeur par ce compositeur hongrois, à partir de milliers de mélodies populaires recueillies en Hongrie, Roumanie, Slovaquie, Serbie, Croatie; Ukraine et Bulgarie.

Nous nous attarderons dans cette page sur cet aspect de l'oeuvre de Bartók...

Bartók et la musique populaire

BartokBartok

Bartók écoute les enregistrements sur cylindre phonographique

"Many people think it is a comparatively easy task to write a composition on found folk tunes... This way of thinking is completely erroneous. To handle folk tunes is one of the most difficult tasks; equally difficult, if not more so, than to write a major original composition. If we keep in mind that borrowing a tune means being bound by its individual peculiarity, we shall understand one part of the difficulty. Another is created by the special character of folk tune. We must penetrate it, feel it, and bring out its sharp contours by the appropriate setting... It must be a work of inspiration just as much as any other composition."

Bela Bartók

"Beaucoup pensent qu'il est relativement facile de composer en se basant sur une mélodie populaire... Cette façon de penser est complètement fausse. Traiter les airs populaires est une des tâches les plus difficiles; elle est aussi ardue, sinon plus, que d'écrire une composition originale de grande envergure. Si nous gardons à l'esprit qu'utiliser un air implique d'être lié à sa particularité propre, nous comprendrons une partie de la difficulté. Une autre partie est liée au caractère spécial de l'air
populaire. Nous devons le pénétrer, le sentir, et faire ressortir ses contours les plus fins par un arrangement adapté.... Il faut que ce soit une oeuvre d'inspiration, tout autant qu'une autre composition."

Bela Bartók - Traduction M. Pirson pour Le Madrigal de Lille

L’ethnomusicologie en Europe : Bartók

En Europe centrale aussi, les ethnomusicologues sont descendus sur le terrain. La collecte et la transcription de corpus propres à une aire culturelle donnée y sont intensives, mais pour des raisons fort différentes. Dès l’apparition du groupe des Cinq, notamment avec Mili Balakirev, il s’agit de préserver les sources musicales nationales. Parce qu’ils recueillent la musique paysanne et populaire de pays où il existe, par ailleurs, une musique dite savante, ces chercheurs sont identifiés comme des folkloristes. Deux noms dominent : Bartók et Kodaly . On aurait pu craindre que le travail ethnomusicologique du compositeur Bartók soit « intéressé » et qu’il lui fournisse un matériau musical où puiser son inspiration. À la vérité, si Bartók s’est inspiré de styles et d’échelles, il n’a jamais cité textuellement dans ses œuvres des mélodies ou des thèmes paysans. En fait, il soulignait clairement l’intérêt et les visées scientifiques de l’ethnomusicologie en demandant au collecteur de passer d’objectifs purement esthétiques à une recherche scientifique.
L’œuvre de Bartók et de ses collaborateurs est immense. Ils ont transcrit 3 700 mélodies hongroises, 3 500 roumaines, 3 223 slovaques, 89 turques et plus de 200 serbo-croates, ukrainiennes et bulgares. Si l’objectif de Bartók restait historique et comparatif – « il faut démêler les filiations et les interdépendances, ramener toutes les musiques de la terre à plusieurs formes, à quelques types et à quelques styles primitifs » –, son travail analytique empirique reste surtout classificatoire, avec une attention particulière à l’inventaire des motifs et de leurs variantes, travail à partir duquel il s’efforçait de faire ressortir les réseaux d’influences.

J.J.Nattiez / © Encyclopaedia Universalis*

École folklorique hongroise

En 1889, au moment de la fondation de la Société hongroise d’ethnologie (Magyar Néprajzi Társaság), qui commence en 1890 la publication de la revue Ethnographia, l’école folklorique hongroise est installée à Budapest. L’importance et la richesse du folklore hongrois en ethnologie avaient déjà été soulignées par le linguiste Miklós Révai dès 1782, dans un article du Courrier hongrois (Magyar Hirmondó), qui faisait le lien entre poésie populaire, linguistique et histoire de la littérature nationale. [...]

Cette première époque coïncide avec l’apparition du cylindre phonographique, qui est utilisé pour la première fois en Hongrie par Béla Vikár (1850-1945) et qui facilitera grandement les recherches (article de Antal Hermann dans le premier volume d’Ethnographia en 1890). À cette époque, deux ordres de préoccupations se font jour : parallèlement aux recherches ethnologiques finlandaises, l’école hongroise insiste sur l’importance de l’arrière-plan géographique et historique de la poésie folklorique étudiée. C’est ce que fait en particulier Béla Vikár, dont les travaux couvrent pratiquement tous les groupes ethniques hongrois. Par ailleurs, pour permettre une utilisation scientifique du matériel recueilli, on cherche à reconstituer le stock folklorique total possédé par un groupe ethnique déterminé. C’est ce que fait Lajos Kalmany (1852-1919) pour le peuple de Szeged (Contes de Szeged, Szeged népe, 1881-1882) en écoutant tous les paysans et tous les gardiens d’oies. Pál Hunfalvy, premier président de la Société hongroise d’ethnologie, et surtout Lajos Katona (1862-1910) approfondissent ces problèmes théoriques et méthodologiques. L’objectif qu’ils se donnent serait l’établissement d’un catalogue typologique général du folklore hongrois.

Sur le plan méthodologique, il faut souligner l’importance des travaux de Béla Bartók et de Zoltán Kodály . Plus encore que les contes, le folklore musical était auparavant recueilli de manière anarchique. Les enregistrements qui ne mentionnent ni la date, ni le lieu de la prise, ni surtout ses circonstances sont d’une utilisation difficile et perdent une grande partie de leur valeur scientifique. Profitant des perfectionnements des méthodes d’enregistrement et parallèlement à un énorme travail de collecte — Z. Kodály, Recueil de Mátynsföld, 1905 ; B. Bartók et Z. Kodály, Anthologie de la musique folklorique hongroise (A Magyar Népzene Tára, 1937) ; —, Bartók et Kodály mènent à bien un travail de formation méthodologique de chercheurs sur le terrain (B. Bartók, Pourquoi et comment recueillir la musique folklorique, Miért és hogyan gyüjtsünk népzenét, 1931). Concrètement, Bartók demande aux chercheurs de réaliser des « prises » d’interprétations multiples du même air ou du même musicien, dans des contextes sociaux différents. Il présente ainsi la musique dans son contexte et attire l’attention de l’école hongroise sur le caractère essentiellement évolutif du folklore.

F. Vieillescazes / © Encyclopaedia Universalis*

* Conformément aux usages, et pour ne pas léser les droits des auteurs et éditeurs, nous ne vous proposons ici qu'un court extrait des articles cités

Bartók sur le web :

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Cinq chants populaires slovaques pour choeur d'hommes (1917)

Ces cinq chants, composés pendant la Première Guerre Mondiale sont des chants de soldats, qui évoquent les souffrances et malheurs de la guerre.

Traduction © B.Parmentier pour Le Madrigal de Lille, à partir de la version allemande (partition Boosey & Hawkes)

Les illustrations sont extraites du (remarquable) site La Grande Guerre en dessins

Grande guerreGrande guerre

Pierre FALKÉ - Le froid / Mathurin MEHEUT - La fatigue

Grande guerreGrande guerre

Clément SERVEAU - Sortie des tranchées / Léon RÉNI-MEL - La relève

Lea grande guerre

Soldat endormi

1. (Andante assai, parlando)

Ah, camarades, écoutez mon chant !
Il vous racontera
Comment nous sommes partis en campagne.
Ah, Lublin s'appelle la ville
Où la guerre a commencé ;
Le soleil était sombre,
Le sang coulait comme d'une fontaine.
Il coula sur nous,
Sur nos deux yeux.
Ah, Dieu du Ciel,
Accorde nous consolation dans notre peine !

2. (Allegretto)

Triste, il faut que je parte au champ de bataille.
A qui confierais-je ma bien-aimée ?
Mes amis veilleront sur son honneur,
Jusqu'à ce que je m'en revienne de guerre.

3. (Allegro risoluto)

La guerre se prépare;
Combattre pour le roi,
C'est notre devoir maintenant,
Vous mes camarades !
Je dois partir au combat.
Ma bien-aimée, je te laisse seule à la maison.
Et nous marchons,
A l'étranger nous partons,
Village après village,
Jusqu'au fin fond de la Russie.
Et en Russie il est une verte colline :
Ceux d'entre nous qui ont reçu du plomb,
C'est là qu'on les enterre.

4. (Andante assai, parlando)

Ah, si je devais tomber, prenez soin de moi,
Ah, emmenez-moi,
Enterrez-moi dans le cimetière de mon village,
Près du portail.
Passe ma bien-aimée,
Son coeur est en peine :
"Ah, ici reposent les pieds
Qui vinrent jadis chez nous,
Ah, ici reposent les mains
Qui me caressèrent."

5. (Allegretto)

Quand je suis parti au combat,
J'ai dû rentrer,
Pour donner à ma bien-aimée
La récompense de son amour.
"Sur la table, quatre billets de cent couronnes,
Prends-les donc, mon coeur,
Les quatre sont à toi !" -
"Non, ce n'est pas assez,
Garde tes couronnes,
Elles ne suffiront pas
Pour compenser tes dettes d'amour" -
"Si cela ne te convient pas,
Alors viens avec nous,
Vite, hâte-toi,
Tu laveras notre habit
Dans les flots du Danube."

Chants pour voix de femmes

1. Hussard

Le village est cerné,
Mais je le quitte si je le peux !
Que les autres restent,
Je n'en ai rien à faire.

Je chevauche comme un hussard,
J'ai mille Pengos en poche !
Ne crains rien, chère monture,
Je ne t'abandonnerai pas.
Je te nourrirai d'herbe et de fourrage !

2. Chant des flemmards

Bois du vin le dimanche,
Ne travaille pas le lundi,
Passe ton mardi au lit,
Lève-toi le mercredi,
Danse le jeudi,
Réfléchis le vendredi,
Et demande-toi le samedi :
Quel travail peut-on bien faire ?

C'est une bonne chanson.
C'est la chanson des flemmards :
Laissons les autres au travail
Et prenons du bon temps.

3. Errance

J'erre la nuit dans la forêt sauvage,
C'est mon cœur en peine qui m'y entraîne,
J'erre seul dans la forêt sauvage,
Personne, pas même Dieu n'aura pitié de moi.

J'avais une maison, elle a brûlé, hélas,
J'avais une vigne, elle est morte, hélas,
J'avais un cheval, il a été volé, hélas,
J'avais une amie, elle est partie et j'en meurs.

Depuis que mon amie m'a été enlevée,
Ma vie a été triste,
J'erre seul dans la forêt sauvage,
Personne, pas même Dieu n'aura pitié de moi.

4. Chanson pour taquiner les filles

Lizzy Bálint se regarde dans le miroir :
- Mère, suis-je bien fardée ?
- Oui, Lizzy, on ne verra pas tes taches de rousseur,
Tu sera la première à danser.

Tandis que Lizzy tient son petit miroir doré,
Il se casse juste au milieu ;
Comment se farder maintenant ?
Comment farder son visage pâli, maintenant ?

Tandis que Lizzy tient son petit miroir doré,
Il se casse juste au milieu ;
Comment se farder maintenant ?
Comment farder ses deux jolies joues ?

Les taches, les taches vont se voir,
Et Lizzy ne sera pas la première qu'on fera danser,
Elle sera la dernière qu'on fera danser.

Traduction © V. Parbelle pour Le Madrigal de Lille